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Stéatopathie métabolique, enjeu de santé publique

La stéatopathie métabolique, parfois dénommée « maladie du foie gras » ou « maladie du soda », touche environ 18 % de la population française. C’est désormais l’une des principales causes de maladie chronique du foie.

18/03/2022

La stéatopathie métabolique est aussi connue sous l’acronyme NAFLD (pour « non-alcoholic fatty liver disease »). Elle est caractérisée par une accumulation de graisse dans le foie, du fait d’une mauvaise alimentation et d’une activité physique insuffisante(1). Fréquente en France, « elle affecte environ 18 % de la population (26 % chez les hommes, 11 % chez les femmes), selon une étude parue en 2020 dans la revue Gastroenterology(2) », pointe le Pr Rodolphe Anty, PU-PH dans le service d’Hépato-Gastro-Entérologie du CHU de Nice.
Parmi les personnes touchées, « environ 2,6 % souffrent d’une forme exacerbée, c’est-à-dire d’une fibrose hépatique avancée (soit environ 220000 personnes en France métropolitaine) », précise-t-il. Le spectre de la NAFLD est en effet large : elle inclut la stéatose dite simple, la stéatohépatite non alcoolique associant une inflammation du foie (NASH (3) pour « non-alcoholic steato-hepatitis »), la fibrose débutante ou avancée, la cirrhose et, enfin, le carcinome hépatocellulaire (CHC).

« Nous n’avons pas encore de chiffres précis mais nous constatons au quotidien une augmentation de la fréquence des patients référés dans les services de gastro-entérologie pour cette indication, notamment pour les cas sévères de cirrhoses décompensées voire de cancers, poursuit le Pr Anty. En France et en Europe, la NAFLD représente 10 à 12 % des causes de maladies du foie menant à une indication de transplantation hépatique. Ce chiffre augmente lentement mais régulièrement. Aux Etats-Unis, la NAFLD représente déjà la deuxième cause responsable de cirrhose ou de cancer du foie parmi ceux inscrits sur la liste d’attente de greffe de foie. » (4) 
« Un dépistage du cancer est proposé tous les 6 mois aux patients présentant une cirrhose. Or 40 % des cas de cancers liés au “foie gras“ se manifestent avant même l’apparition d’une cirrhose, ce qui souligne une certaine agressivité de la maladie », ajoute le Pr Anty, qui appelle à une « meilleure connaissance de la NAFLD et de ses diverses formes » tant par les patients que les professionnels de santé. Et ce, d’autant plus que cette pathologie est silencieuse : « les patients ne présentent généralement pas de symptômes avant le stade de la cirrhose » et « elle est souvent découverte fortuitement ».

L’enjeu de son dépistage est également crucial. Il existe, pour cela, diverses méthodes : la biopsie hépatique, examen de référence mais qui reste toutefois invasif, non accessible en routine et sujet à des biais d’échantillonnage en cas d’hétérogénéité des lésions hépatiques ; ou encore, l’imagerie (échographie ou IRM).
D’autres techniques visent à évaluer le degré de fibrose hépatique :

  • Le score FIB-4 (Fibrosis-4 index), calculé selon une formule simple tenant compte de l’âge du patient, de son taux de plaquettes et de son taux de transaminases. « Aujourd’hui très documenté, simple et gratuit, il a une bonne valeur prédictive négative et permet d’écarter les risques de fibrose sévère, c’est-à-dire de stade F3 ou F4 », pointe le Pr Anty.
  • L’examen de l’élasticité du foie à l’aide d’un système dédié, d’un échographe disposant de cette possibilité, ou bien encore par IRM.
  • Les tests sanguins, parmi lesquels le test ADVIA Centaur Enhanced Liver Fibrosis, élaboré en 2004, qui repose sur trois marqueurs de la fibrose : l’acide hyaluronique (HA), le peptide amino-terminal du procollagène III (PIIINP) et l’inhibiteur tissulaire de la métalloprotéinase matricielle 1 (TIMP-1).

Tous ne sont pas utilisés en première intention. L’EASL, l’association européenne pour l’étude du foie, comme l’AFEF (association française d’étude du foie), recommande en effet une stratégie de dépistage séquentielle, avec un test de première ligne peu coûteux (FIB-4 par exemple) suivi, si nécessaire, d’un test dit de deuxième ligne, plus performant mais plus onéreux (test sanguin ou mesure de l’élasticité) ou plus invasif (biopsie).

« La prise en charge est axée sur des mesures hygiéno-diététiques personnalisées, reposant sur un régime alimentaire de type méditerranéen, la pratique d’une activité physique régulière(5), et la lutte contre la sédentarité, avec pour objectif la perte de poids », détaille le Pr Anty. A cela s’ajoutent une surveillance clinique et biologique régulière ainsi que le traitement des éventuels troubles associés : diabète de type 2, hypertension, apnée du sommeil… La chirurgie bariatrique peut également être un recours. La prise en charge doit être « individualisée », « familiale » et « pluridisciplinaire », en ville comme à l’hôpital (hépatologie, diabétologie, endocrinologie, biologie, diététique, médecine générale…), insiste-t-il.
Pour les stades les plus avancés de la NAFLD, la greffe hépatique peut s’avérer nécessaire. En cas de cancer, une destruction locale de la tumeur, une chirurgie, une chimioembolisation, une radiothérapie ou une chimiothérapie peuvent être proposés.
Enfin, de nombreux traitements médicamenteux contre la NASH sont actuellement en cours de développement dont certains, en essais de phase 3. « La recherche clinique est très dynamique dans ce domaine », conclut le professeur. Les attentes sont grandes. 

Le risque de NAFLD est élevé pour les personnes en surpoids ou souffrant d’un syndrome métabolique, d’insulino-résistance ou de diabète de type 2. En effet, « les facteurs métaboliques liés au diabète de type 2 avec l’insulino-résistance entraînent l’accumulation d’acides gras dans le foie et donc la stéatose, explique la fédération française des diabétiques sur son site. Les personnes diabétiques de type 2 ont souvent des facteurs du syndrome métabolique et donc cumulent les facteurs de risque. » D’où « l’enjeu de dépister les patients ayant besoin d’une prise en charge spécifique » et « nécessitant d’être suivis au long cours », a évoqué Cyrielle Caussy, diabétologue au sein de l’Hôpital Lyon Sud (HCL) à l’occasion des Journées de l’innovation en biologie 2021.

<p>Pr Rodolphe Anty</p>
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