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Mammographie et IA, vers une optimisation du dépistage du cancer du sein ? 

ARIAS magazine

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez la femme, avec un âge médian au diagnostic estimé à 63 ans1. Détecté tôt, le cancer du sein se guérit dans 9 cas sur 10.2 C’est pour cela, que depuis 2004, le dépistage organisé du cancer du sein a été généralisé en France avec pour objectifs de réduire la mortalité et d’améliorer l’information et la qualité des soins pour les patientes concernées.3

L’utilisation de solutions d’Intelligence Artificielle en mammographie se développe pas à pas, laissant entrevoir de nombreuses perspectives d’applications.

Entretien avec Isabelle Thomassin-Naggara, Chef de service / PU PH APHP-Sorbonne Université, Hôpital Tenon, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris. 

ARIAS magazine

|18/02/2022

En France, Les femmes entre 50 et 74 ans peuvent bénéficier, tous les 2 ans, de mammographie de dépistage. Après l’examen, dans le cadre du dépistage organisé, les clichés sont adressés à un deuxième radiologue qui procède à une seconde lecture. Les résultats définitifs sont ensuite envoyés à la patiente ainsi qu'à son médecin.

Cette stratégie de dépistage organisée permet de diagnostiquer 90 % des cas de cancers du sein.4

L’arrivée des premiers CAD (Computer Aided Diagnostic) dans les années 2000 est liée à l’émergence de la mammographie numérique. Aujourd’hui, plusieurs logiciels enrichis par l’IA, moins porteurs de faux positifs que les premiers CAD, apportent une aide plus efficace aux radiologues et améliorent la prise en charge des patientes dans le cadre des stratégies de dépistage. 

L’IA offre donc un gain de temps au radiologue et lui permet de se recentrer sur les tâches où toute sa valeur ajoutée, au travers de son expérience et ses connaissances, s’exprime au bénéfice de la santé de la patiente.

Mais les solutions d’IA pourraient également jouer un rôle au niveau de la santé publique, dans le cadre de la stratégie de dépistage du cancer du sein en France. En effet, aujourd’hui la seconde lecture de l’examen est mise en place pour les cas « négatifs », c’est-à-dire des cas sans suspicion de pathologies malignes, de façon à potentiellement identifier des cas qui auraient échappé à la vigilance de la première lecture. « Les solutions actuellement utilisées et testées montrent une excellente valeur prédictive négative. On pourrait alors envisager d’utiliser la solution d’IA pour détecter les cas où la seconde lecture est utile » imagine Isabelle Thomassin-Naggara.

D’après une étude norvégienne de 2020*, dans 20% des cas jugés négatifs par le premier lecteur, l’Intelligence Artificielle garantit qu’il n’existe aucune pathologie décelable sur les images mammographiques. « Une diminution de la volumétrie de seconde lecture de 20% ne serait pas négligeable quand on sait que la seconde lecture représente 1/5ème du budget investi dans le dépistage chaque année en France. C’est certainement une piste à étudier » suggère Isabelle Thomassin-Naggara.

Aujourd’hui, pour accompagner le radiologue, certains logiciels d’aide à la décision fournissent un score global qui reflète le niveau de suspicion de pathologie maligne de l’examen. « Ce score représente un véritable intérêt en France, non pas pour le triage des patientes comme c’est le cas dans d’autres pays, mais pour le degré d’attention demandé à la lecture de l’examen. En s’appuyant sur un score qui écarte les cas les plus bénins, le radiologue peut focaliser son attention sur les cas les plus subtils » explique Isabelle Thomassin-Naggara.

En parallèle, la tomosynthèse prend une part de plus en plus importante dans les examens mammographiques. Avec cette technique, l’autre intérêt de certaines solutions d’IA est qu’elles sélectionnent et affichent automatiquement la coupe sur laquelle se trouve l’anomalie et permettent ainsi de diminuer le temps de lecture de l’examen qui est le principal inconvénient de cette technique d’acquisition.

« Il ne serait pas absurde d’associer systématiquement ce type de logiciel à tout système de mammographie équipé d’un module d’acquisition en tomosynthèse, cela permettrait véritablement d’optimiser le travail du radiologue grâce à l’IA. »

L’imagerie du sein bénéficie de 3 techniques, la mammographie (et ses dérivés tels que la tomosynthèse et l’angiomammographie), l’échographie et l’IRM. En mammographie, la patiente est examinée debout, en échographie couchée sur le dos et en IRM, couchée sur le ventre.

« Si l’Intelligence Artificielle aidait à effectuer la fusion des résultats de ces 3 techniques en corrigeant les déformations élastiques induites par chacune d’elles, ce serait très utile, puisque la combinaison des informations fournies par les 3 modalités conduit à l’interprétation la plus pertinente. »

L’IA offre également d’autres perspectives dans la prise en charge des patientes, que ce soit en termes d’acquisition, de diminution de la dose ou encore de personnalisation du traitement.

« Au-delà de l’interprétation où l’IA devrait être utilisée pour toutes les modalités d’imagerie du sein (échographie, angiomammographie, IRM), on peut imaginer d’autres applications comme une aide à la diminution de la dose avec un logiciel qui permettrait au manipulateur d’optimiser le positionnement du sein et qui permettrait d’avoir un sein le plus comprimé possible.

Si on va plus loin, on pourrait attendre de l’IA qu’elle réalise des tâches que le radiologue ne sait pas faire aujourd’hui : on pourrait par exemple demander à l’IA de créer des modèles prédictifs de risques basés sur des nouveaux éléments issus des images de mammographie, d’échographie, d’IRM ou d’une combinaison de ces images. On pourrait ainsi connaître le risque personnalisé pour chaque patiente, définir avec quel type de modalité d’imagerie et à quel rythme elles doivent être dépistées et suivies et ainsi mieux les prendre en charge » évoque Isabelle Thomassin-Naggara.

On s’intéresse aujourd’hui à la densité du sein dont on sait qu’elle est un facteur de risque mais ce n’est certainement pas le seul et des recherches sont en cours pour aller encore plus loin dans l’étude du parenchyme mammaire. « On s’aperçoit en ce moment que la complexité du parenchyme est aussi un facteur de risque de cancer du sein. Si on combine les résultats de la mammographie à d’autres facteurs de risque biologiques et cliniques, on peut imaginer des modèles prédictifs adaptés, construits avec l’IA et qu’il va falloir travailler avec des cohortes issues de chaque pays pour répondre à tous les types de seins, dans l’objectif d’une prise en charge personnalisée de chaque patiente. Dans le domaine du cancer du sein, nous n’imaginons probablement pas encore l’impact qui pourrait découler de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans les années à venir » anticipe Isabelle Thomassin-Naggara.

Enfin, en travaillant sur les images IRM et sur les images d’angiomammographies, l’IA devrait permettre de bâtir des modèles de réponse à un traitement curatif. Cela aiderait à choisir un traitement plutôt qu’un autre et on devrait ainsi pouvoir éviter un traitement non efficace à une patiente et, par exemple, la faire bénéficier d’un traitement chirurgical en première intention.   

« La littérature a largement démontré qu’un radiologue accompagné d’une solution d’IA est plus performant qu’un radiologue sans solution d’IA » insiste Isabelle Thomassin-Naggara.

Au-delà, l’IA appliquée à la santé de la femme offre de nombreuses perspectives pour le diagnostic, la prise en charge et le suivi des patientes. On peut ainsi imaginer à terme des stratégies de dépistage plus rapides, moins complexes et moins coûteuses.

Mais on peut également aussi se projeter vers l’avenir, en imaginant des applications d’IA qui permettraient une prise en charge personnalisée des patientes nécessitant un traitement et suivi plus poussés ou en anticipant la réponse aux différents traitements.

De nombreuses applications de solutions enrichies par l’IA restent ainsi encore à explorer pour accompagner radiologues et patientes vers la santé de demain.  

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