Des images en un battement de cœur: échange rapide d’expertise et de connaissances entre les hôpitaux suisses

Santina Russo

|12.08.2020

Dans un grand hôpital de Lucerne, en Suisse, les radiologues sont en contact virtuel avec les techniciens en radiologie médicale et les patients via un réseau d’établissements interconnectés. Grâce au nouveau logiciel d’aide à la téléimagerie, le transfert de connaissances est simple, rapide et économique. Par ailleurs, les patients bénéficient de délais de rendez-vous raccourcis pour leurs examens: un avantage non négligeable en cette période de pandémie de COVID-19.

Photos: Raphael Zubler

A patient is scanned in a CT scanner.
Même si le scanner cardiaque est réalisé à plusieurs kilomètres de Lucerne, les radiologues et les techniciens en radiologie médicale peuvent travailler de concert grâce à syngo Virtual Cockpit.

«Nous allons à présent procéder à une acquisition Turbo-Flash», annonce une voix féminine au micro. «Oui, allez-y», confirme le Dr Jürgen Fornaro, chef du service de scanographie de l’hôpital cantonal de Lucerne (LUKS), l’un des plus grands centres de soins de Suisse. Le Dr Fornaro se tient assis devant un moniteur affichant une image de son patient allongé dans le scanner, ainsi que l’écran de la station de travail du scanner, capturés par une caméra. Les premiers résultats du pré-test de la prochaine acquisition cardiaque apparaissent au bout de quelques secondes. «La zone d’acquisition est excellente; vous pouvez poursuivre», indique le Dr Fornaro au technicien en radiologie médicale. Pour le Dr Fornaro, il n’y a rien d’exceptionnel à ce qu’un scanner dédié à l’imagerie cardiaque offre un niveau de détail suffisant pour visualiser des artères coronaires ne mesurant qu’un millimètre de diamètre. En revanche, il n’a pas pour habitude d’être éloigné de plusieurs kilomètres du scanner et du patient lui-même.

Il travaille, en effet, à l’hôpital de Lucerne, qui dessert la Suisse centrale, tandis que le technicien en radiologie médicale en radiologie et le patient se trouvent dans un hôpital régional affilié de la ville de Sursee, à une trentaine de kilomètres de là. La connexion s’effectue grâce à syngo Virtual Cockpit, un logiciel permettant aux spécialistes de guider et de contrôler à distance des procédures d’imagerie (TDM, IRM, etc.). Les radiologues et et les techniciens en radiologie médicale travaillent de concert comme à l’accoutumée, mais sans être obligés d’être physiquement ensemble.

Justus Roos, MD (left) and Jürgen Fornaro, MD look at a heart CT scan that was made some kilometers away thanks to a remote scanning software.
Les Dr Justus Roos (à gauche) et Jürgen Fornaro sont connectés à leurs collègues de Sursee tout au long du processus, des tests au contrôle des résultats.

L’examen suivant est aussitôt effectué à Sursee, sous la supervision du spécialiste de Lucerne. Il s’agit d’un bolus de test, c’est-à-dire un scan rapide ne nécessitant qu’une faible quantité de produit de contraste. Il permet au Dr Fornaro de déterminer de manière optimale quand réaliser l’acquisition cardiaque pour obtenir le contraste idéal. L’ensemble du processus, des tests à la vérification des résultats en passant par la communication entre les deux établissements, est géré par syngo Virtual Cockpit. «Le logiciel facilite le partage des connaissances entre les spécialistes», explique le Dr Justus Roos, chef du service de radiologie de l’hôpital cantonal de Lucerne. «Tout notre réseau de radiologie bénéficie ainsi du même niveau élevé de qualité, y compris nos sites éloignés.»

Son service dessert l’hôpital principal, mais également un établissement radiologique du centre de Lucerne, deux hôpitaux régionaux affiliés et trois hôpitaux collaborateurs de différents districts suisses. Il s’agit du plus vaste réseau de radiologie de Suisse, couvrant une zone de quelque 800 000 habitants.

Dr Justus Roos, chef du service de radiologie de l’hôpital cantonal de Lucerne

«Il est difficile aujourd’hui de disposer des spécialistes nécessaires au bon endroit au bon moment», affirme le Dr Roos. À l’instar de nombreux autres hôpitaux, celui du Dr Roos est confronté à une pénurie d’experts en radiologie. Or, parallèlement, la demande en imagerie avancée ne cesse de croître. Depuis 2016, le nombre d’acquisitions cardiaques au sein du réseau de Lucerne a augmenté de 20% par an, et la tendance devrait se poursuivre. En outre, un quart des examens TDM et IRM de Lucerne ont lieu la nuit et le week-end. «Avec syngo Virtual Cockpit, nous pouvons répondre à cette demande plus efficacement qu’auparavant», souligne le Dr Roos. «Le logiciel nous permet, en effet, d’utiliser trois scanners simultanément sur différents sites, ce qui nous apporte la souplesse nécessaire pour répartir au mieux la charge de travail entre les établissements.»

Grâce à la mise en œuvre de syngo Virtual Cockpit, les patients n'ont plus à se rendre à l'hôpital central pour des examens spécialisés.

Jürgen Fornaro, MD looks at a heart CT scan on a screen.
Grâce à la mise en œuvre de syngo Virtual Cockpit, les patients n'ont plus à se rendre à l'hôpital central pour des examens spécialisés.

Les patients en attente d’examens scanographiques obtiennent également des rendez-vous plus rapidement. Avant l’installation de syngo Virtual Cockpit, ils devaient patienter jusqu’à trois mois pour des acquisitions cardiaques électives non urgentes. «Nous sommes parvenus à réduire ce délai à un mois», déclare le Dr Roos. Ce gain de temps s’est accentué et devient plus perceptible encore à l’heure de l’épidémie de COVID-19. Ces derniers mois, les hôpitaux ont, en effet, été monopolisés par la crise du coronavirus, et la plupart des examens d’imagerie électifs non urgents ont dû être reportés. «Mais grâce à syngo Virtual Cockpit, nous rattrapons maintenant les nombreux examens cardiaques reprogrammés en exploitant de façon optimale les capacités d’imagerie de tous les établissements disponibles», explique le Dr Roos.

Par ailleurs, les patients apprécient de ne pas être obligés de se rendre à l’hôpital central pour des examens spécialisés. «La Suisse présente un système de soins plutôt "local", les hôpitaux régionaux desservant les habitants de leur secteur», précise le Dr Roos. «Nous nous efforçons de préserver ce niveau élevé d’accessibilité.» Mais il est également possible de transférer les patients qui doivent subir en urgence un examen poussé dans un établissement dont le scanner est libre.

En véritable pionnier, l’hôpital cantonal de Lucerne est le premier établissement de santé suisse à exploiter une solution de scanographie à distance. Le système sera bientôt étendu à l’imagerie par résonance magnétique, dans un premier temps pour certains examens nécessitant des connaissances spécialisées, tels que les IRM de la prostate et du sein. Une extension ultérieure à d’autres types d’examens et l’intégration d’autres hôpitaux au réseau de radiologie sont actuellement à l’étude. «Ces innovations numériques nous aideront à gagner en durabilité, en productivité et en rentabilité», souligne le Dr Roos.

Cette solution a pour autre avantage, plutôt inattendu, un effet de formation induit. Comme le constate le chef de service Justus Roos, la supervision exercée par les spécialistes de Lucerne renforce les compétences des opérateurs des établissements distants: «Désormais, nos techniciens en radiologie médicale sont presque en mesure de réaliser les examens seuls, ce qui soulage davantage encore les spécialistes – une conséquence opportune qui n’engendre aucun surcoût.»

L’hôpital de Sursee est à présent prêt pour l’acquisition cardiaque. Le scan proprement dit est réalisé en quelques battements de cœur seulement. Le logiciel traite ensuite les images du cœur et des vaisseaux sanguins du patient pour produire des images 3D particulièrement nettes, qui ne montrent, heureusement pour ce dernier, aucun signe d’anomalie.


Santina Russo est journaliste scientifique à Zurich, en Suisse.